Les stations de ski font face à un manque de neige désormais récurrent. La Cour des comptes publie, mardi 6 février, un rapport intitulé Les stations de montagne face au changement climatiques. Elle explique notamment que les stations ne s'y préparent pas suffisamment. La Cour dénonce, par exemple, un recours excessif aux canons à neige, une technologie jugée coûteuse en énergie et qui perturbe le cycle de l'eau.

À quelques jours des vacances d'hiver, Dominique Thillaud, le directeur général de la Compagnie des Alpes, qui représente dix domaines skiables, répond aux différentes propositions de ce rapport.

franceinfo : Que répondez-vous aux critiques de la Cour des comptes ?

Dominique Thillaud : Je crois que d'abord, il n'y a pas de déni du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique n'est pas une opinion, ni une idéologie. Ce n'est pas non plus un commentaire, c'est un fait scientifique. Donc il faut le traiter de manière scientifique. Nous, c'est ce que nous faisons. Je ne parle pas au nom des stations puisque je suis un opérateur de remontées mécaniques. C'est le maire et c'est toujours le maire qui a la légitimité démocratique, qui est le vrai patron. Nous, nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres socioprofessionnels pour tester des choses. Dans les Alpes, d'ailleurs c'est dit dans le rapport que vous citez, avec des entités publiques et des entités privées, nous tâtonnons, nous testons des choses.

Selon vous, faut-il revoir le modèle économique, fondé sur un enneigement qui aujourd'hui est moindre ?

Chaque situation sera spécifique, avec son rythme. Nous exploitons des domaines plutôt de haute altitude, on est donc un peu moins rapidement concernés. Ce qui ne nous empêche pas d'avoir un impact très fort aujourd'hui sur nos émissions carbone en scopes 1 et 2, et à la fois de tester des choses. Parfois, ça ne fonctionne pas, alors en termes comptables, ça se dit "échouer".

C'est quand même un modèle économique qui est fondé sur l'enneigement, donc l'utilisation de canons à neige est une réalité.

Oui, mais la neige de culture ne va jamais remplacer la neige naturelle. La neige de culture se fabrique entre trois et quinze degrés.

"Tout le monde comprend aisément qu'avec le réchauffement climatique, il y aura de moins en moins de froid et donc de moins en moins de neige de culture."

Et de ce fait, de moins en moins de domaines skiables ?

Certains sites, suivant leur altitude, leur exposition, leur localisation sont plus ou moins exposés à ce risque, avec un rythme plus ou moins rapide.

Vous êtes en altitude, êtes-vous moins concerné ?

Non, nous sommes concernés ! On parle du bas, mais aussi du haut des glaciers. Il suffit d'aller à la mer de glace à Chamonix pour le constater. C'est pour ça qu'il n'y a pas aucun déni dans la montagne sur le réchauffement climatique.

Et comment vous le prenez-vous en compte le réchauffement climatique, à votre niveau ?

On agit sur nos émissions. Je vais vous donner un exemple très concret : on n'utilise plus d'énergie fossile pour nos dameuses.

"On a réduit de 72% les émissions de CO2 de nos dameuses en utilisant ce qu'on appelle du HVO."

Le HVO, ce sont des huiles de friture usagées, sans huile de palme, que nous récupérons et qui sont utilisables dans les chaudières, dans les moteurs de dameuses, dans les moteurs de bus, sans aucun réglage sur le moteur. Ça coûte un peu plus cher parce que ce produit-là, qui est sans énergie fossile, qui est un deuxième usage d'un premier produit, est plus taxé que les énergies fossiles.

La Cour des comptes explique qu'il faudrait envisager de faire payer davantage les skieurs pour prendre en compte les investissements que nécessite ce réchauffement climatique. Êtes-vous d'accord ?

L'électricité a connu une évolution des coûts incroyable ces dernières années et l'évolution des coûts se retrouve dans le prix du forfait. Nous, ce qu'on a décidé, c'est qu'on voulait être net zéro carbone sans crédits carbone, sans compensation, à 2030. Nous dégageons des investissements dans ce seul but et donc voilà ce qu'on peut faire. C’est une logique constructive, incitative et certainement pas dans une logique punitive.

Qu'en est-il de la diversification des activités qui est une autre préconisation ?

Mais ils ont bien raison et tout le monde a bien raison et c'est pour ça que nous tâtonnons, nous testons des choses. Et encore une fois, parfois ça marche, parfois on apprend.

Qu'est ce qui marche et qu'est ce qui ne marche pas bien ?

Aujourd'hui, le coup d'après qui va permettre d'avoir un bénéfice socio économique, c’est-à-dire avec le maintien et la fixation de populations à ces endroits-là qui peuvent avoir une qualité de vie, on ne l'a pas. C'est pour ça que, collectivement, avec les maires, avec les socioprofessionnels, on teste des choses.

Le rapport de la Cour des comptes explique également qu'il ne faut pas un modèle économique qui soit toujours basé sur une forte fréquentation et des investissements importants.

S'il faut créer un nouveau modèle, il faudra bien investir. Moi, je ne connais pas de modèle économique créateur de richesse sociale en premier lieu et économique en second lieu dans le respect de l'environnement qui ne nécessite pas d'investissements.

"Toutes les bonnes idées sont bonnes à prendre. Je serai ravi d'écouter leurs idées."

Nous cherchons tous collectivement parce que nous sommes tous engagés. Certains peuvent dire ça ne va pas assez vite. L'enjeu, c'est d'y arriver. Et personne ne confond météo et climat. Ce n'est pas parce que cette année, nous avons beaucoup de neige que cela signifie que la tendance n'est pas au réchauffement climatique.

Donc vous en avez conscience ?

On essaie de diversifier nos activités. On renonce aussi à certaines choses. Faire de la neige de culture en trop basse altitude quand il y a plus de froid, par exemple. Notamment, il y a des systèmes de neige de culture à température positive, on n'en a jamais fait et on en fera jamais. On renonce aussi à apporter notre assistance technique pour la création de stations de Snow Dome dans des pays où il n'y a pas de neige naturelle. Voilà, c'est ça, des renoncements concrets qui montrent qu'on change. Bien sûr, même pour nous, pas assez vite, pas assez fort. Mais il faut qu'on ait les résultats et la preuve de ce qu'on fait et on s'en remet à la science. J'ai beaucoup de respect pour la Cour des comptes comme pour les élus, comme pour tous les socioprofessionnels. Mais il faut des preuves, des résultats. Il faut être capable de prendre des risques, il faut être capable d'entreprendre.

Interview ici

Posté le
6.2.2024

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